Philippe de Villiers candidat (souverainiste, nationaliste, populiste, patriote…) aux présidentielles de 1995 (4,7%) et 2007 (2,7%) a mis en ligne une pétition qui demande un référendum sur l’immigration. Initiative réalisée ouvertement depuis les locaux du groupe des médias de V. Bolloré qui incitent à la signer.
D’abord se pose la question de la question.
Le référendum sollicitant une réponse par oui ou non, compte tenu de la complexité du problème migratoire, quelle question imaginer, puisqu’il ne vise pas une immigration particulière, clandestine, illégale (personne n’est pour), mais l’immigration en général ? La question « Pour ou contre l’immigration ? » est si absurde qu’elle est inenvisageable Quelle question relative à un type d’immigration peut être imaginable puisqu’il ne peut y avoir qu’une seule réponse ? « Pour ou contre l’immigration maghrébine, sub-saharienne, syrienne, afghane, iranienne, turque, ukrainienne, palestinienne… ? » avec les cases « oui/non » pour chacune ? Tout aussi aberrant, si l’on pense au dépouillement et aux conséquences politiques internationales.
Reste le problème essentiel posé par cette initiative calée sur la peur du « grand remplacement », et qui comporte notamment ceci : « Nous sommes en train de changer de peuplement. Nous sommes en train de changer d’art de vivre. Nous sommes en train de changer de civilisation. Si nous ne faisons rien, c’est la fin de la France (…) Pour nos enfants. Pour nos morts qui nous regardent. Pour la France éternelle. » Alors, qu’est-ce qui peut conduire à une telle proposition dont tout le monde sait, ses initiateurs surtout, qu’elle n’est pas réalisable ? A part Laurent Vauquiez – président du groupe des députés du parti Les Républicains, en compétition de populisme avec Bruno Retailleau – aucun responsable politique n’invite à la signer.
Ceux qui ont signé – un million, dit Ph. De Villiers (Le Monde a vérifié qu’il n’y a pas de système de contrôle qui empêche une même personne de voter plusieurs fois en utilisant d’autres adresses-mails que la sienne) – savent évidemment qu’ils signent pour une autre chose, une autre chose que ne peut pas expliciter la pétition parce que le seuil de l’explicitation possible (le refus de l’étranger en tant que bouc-émissaire) n’est pas encore atteint. Il l’est aux USA.
La responsabilité est essentiellement celle de la gauche (la droite se nourrit de la peur) qui, au moins lorsqu’elle était au pouvoir dans les dernières décennies (F. Mitterrand, L. Jospin, F. Hollande), n’a jamais exploité la possibilité de communication que lui offrait ce pouvoir (Elysée, Matignon) pour exposer la problématique capitalisme / colonisation / crises / immigration et solliciter la pensée.
Ce déficit explique en grande partie la transformation d’une question politique en une question idéologique et politicienne qui exploite de manière passionnelle les conséquences non maîtrisées d’un problème non traité.