Délire vient du verbe latin delirare dont le sens premier, en rapport avec l’agriculture, signifie « s’écarter du sillon ». Le sens a évolué jusqu’à « extravagance » : extra, vagari = aller çà et là, en dehors (des normes habituelles).
Je lisais dans mon Journal (Le Monde daté du 05/08/2025) un article (p.22) intitulé : « Winston Churchill, victime du nouveau révisionnisme américain ». L’idéologie qui nourrit le mouvement MAGA de D. Trump réécrit l’histoire de la deuxième guerre mondiale en présentant W. Churchill comme le mauvais, celui à cause de qui la guerre a eu lieu, parce qu’il a déclaré intempestivement la guerre à Hitler qui aurait limité sa volonté de conquête à la Pologne. Qu’il n’ait pas déclaré la guerre puisqu’il n’était pas alors premier ministre (c’était Neville Chamberlain) n’a aucune importance. Là – le déni du réel – est le délire qui englobe aussi la thèse selon laquelle il n’y a pas eu d’extermination planifiée par les nazis, mais une mortalité massive due au grand nombre imprévu de prisonniers de guerre. Autrement dit, Hitler n’est pas le mauvais qu’on croit. On approche ainsi de l’apogée délirante qui établira le chef nazi comme le bon.
La différence avec le délire d’Œdipe Roi, c’est que les délirants ne sont pas sur la scène d’un théâtre, mais installés au pouvoir dans un pays réel qui se trouve être la première puissance mondiale.
Le point commun, c’est que le délire de l’un et des autres est alimenté par un discours oraculaire (Apollon, pour Œdipe, Trump pour les MAGA = annonce de l’âge d’or).
Le réel dit que D. Trump, réélu président par une majorité d’Américains, est un milliardaire qui « fait ses affaires », un délinquant condamné par la justice de son pays, et dont la validité du discours, comme celle du discours de la réécriture de l’histoire, est le discours lui-même. Comme les dieux et Dieu.
Dans le théâtre de Sophocle, l’homme libre finira par émerger de la dialectique.
La question est de savoir si le monde actuel dont les USA sont l’expression la plus puissante et la plus manifeste, jusqu’à la caricature, peut encore être régi par une dialectique.