Il y a la même différence entre les deux qu’entre un point et un ensemble. Le point en tant qu’il est (considéré comme) un élément « un », l’ensemble en tant que configuration interactive de points qui cessent donc d’être des points « un » parce qu’ils existent désormais dans des rapports, ce qui s’appelle une problématique.
La question/point n’aime pas la problématique qui passe du simple au complexe (= la tresse, l’entremêlement des fils), et le complexe est dérangeant parce qu’il va à l’encontre de ce qui est le « bon sens » des « c’est pourtant simple », « un point c’est tout », « il n’y a pas besoin de chercher midi à quatorze heures », « on voit bien que » etc.
Le racisme par exemple fonctionne notamment à partir de la question/point (le noir est signe d’infériorité) qui rejette la problématique (valeur de la couleur).
Nous (les sociétés occidentales, au moins) sommes en train de passer de la question/point à la problématique à propos des rapports sexuels, en particulier entre l’homme et la femme, et surtout dans un cadre qui jusqu’ici était considéré comme un point, celui du couple marié.
La mini-série espagnole Querer (= chercher – 4 épisodes – diffusée sur Arte) en est une excellente illustration.
Après trente ans de vie commune, Miren, la cinquantaine, décide de porter plainte contre son mari qu’elle accuse de viol et demande le divorce.
Jusqu’ici, la question/point était ainsi réglée : il n’y a pas de viol dans le cadre du couple marié, la question du consentement n’existe donc pas. Corollaire dominant : l’épouse (= la bonne épouse) doit satisfaire aux désirs de son mari… un point c’est tout.
C’est aujourd’hui devenu une problématique : le féminisme (= il n’y a pas de hiérarchie entre les sexes) a permis de faire émerger des questions/points qui « n’existaient pas » : la relation sexuelle dans le cadre de la vie de couple contient la question du consentement – qu’est-ce que consentir ? – est-ce que « oui » signifie toujours « oui » ? – est-ce que le législateur doit intervenir dans la relation sexuelle du couple et en quoi précisément ?…
Autrement dit, ce qui pendant des siècles a été une juxtapositions de questions/points… si même ils en étaient… est devenu en quelques décennies une problématique : pour ce qui concerne les relations sexuelles dans le couple, ce qui allait de soi, ne va plus de soi.
Ce qui a pour premier effet la réaction du « bon sens » des points/questions. Ainsi, l’avocat du mari fait semblant de demander (la question vaut réponse) à Miren pourquoi elle a attendu si longtemps avant de porter plainte et de demander le divorce (question qui revient à nier l’impact de la structure idéologique du mariage traditionnel), et, c’est le plus intéressant, le mari ne comprend pas, (il n’est pas le seul) c’est-à-dire qu’il est inaccessible à la problématique qui contient notamment le droit de sa/la femme au désir et le respect de ce désir.
La réussite de la série tient dans la description de ce moment charnière qui évite l’écueil du manichéisme et du simplisme militant.