Invitée, de Les Matins de France Culture ( 7 h 40 / 8 h 20), la sociologue Nathalie Heinich qui publie Penser contre son camp [celui de la gauche]. Itinéraire politique d’une intellectuelle de gauche (Gallimard).
Son discours est un bon outil pour comprendre le problème actuel de la gauche : l’orphelinat de la révolution et le désarroi de la pensée qu’il peut susciter.
Sa première référence fut le sociologue Pierre Bourdieu (il fut son directeur de thèse).
Ce sociologue (1930-2002) put donner l’impression d’une possibilité de changement révolutionnaire en quittant le seul domaine du conditionnement économique (Marx) et en proposant d’élargir le concept de « stratification sociale » ( en gros, tout ce que nous sommes, nous pensons est « construit » par le fait de vivre ensemble, en particulier dans le système capitaliste) à tous les domaines de la vie sociale, politique, intellectuelle etc.
C’était au moment de la fin de l’expérimentation communiste soviétique qui fut, depuis 1917, l’expression historique de La révolution.
N. Heinich est donc « revenue » de Bourdieu, à mon sens moins pour ce qu’elle dit des limites de son système d’analyse que parce que la perspective révolutionnaire de substitution s’est révélée une illusion – ce qui n’enlève rien à la pertinence de Bourdieu qu’il faut seulement laisser dans le champ qui est le sien.
Là est son désarroi : l’absence de perspectives révolutionnaires et le fait qu’elle « oublie » cette dimension majeure dans l’histoire de la gauche, qu’elle se contente de parler de « valeurs » est sans doute le signe d’un refoulement.
Ce désarroi est celui d’une partie de la gauche (socialiste) ainsi confrontée à cette contradiction : comment désigner le wokisme comme un adversaire de la gauche ( ce qu’il est pour N. Heinich) alors qu’il est présenté par D. Trump et V. Poutine comme l’ennemi à abattre, sans courir le risque de les rejoindre dans un discours fascisant, comme d’autres « intellectuels » ( les «» pour signifier que je n’aime pas ce mot) l’ont déjà fait ?
Une autre partie de la gauche(LFI notamment) s’en sort par la fuite en avant et le dogmatisme.
Ce qui me semble significatif du désarroi et du refoulement : dans le dialogue de 80 minutes, le mot commun n’a pas été prononcé.