Le nom latin vulgus désignait le commun des hommes, la foule, donc le contraire du peuple (populus) dans son sens politique de communauté citoyenne comprenant les aristocrates (patriciens) et ceux qui ne l’étaient pas (plébéiens).
Il a donné en français vulgariser (= rendre accessible à tous une connaissance spécifique, notamment scientifique) et vulgaire dont la signification est surtout dépréciative = est vulgaire ce qui ne respecte pas les codes, quels qu’ils soient et quoi qu’ils valent – c’est une autre question.
Depuis l’élection, le spectacle que donnent à voir D. Trump et E. Musk, par les mimiques, les gesticulations, la grossièreté et l’outrance du discours (tout récemment une vidéo provocante produite par l’Intelligence Artificielle représentant Gaza en Riviera de luxe sordide et diffusée par D Trump sur sa plateforme), est vulgaire en ce sens qu’il ne respecte pas les codes de tenue du pouvoir politique.
Que ces personnes elles-mêmes soient ou non vulgaires importe peu ; ce qui importe, c’est ce que signifie ce message de vulgarité et ce qu’il dit aux citoyens US, particulièrement ceux qui leur ont ouvert les portes de la Maison blanche. Comme pour tous les palais gouvernementaux, l’architecture extérieure et intérieure fait partie des codes de représentation de cette tenue du pouvoir que ne respecte pas D. Trump (la mise en scène des signatures de décrets ressemble à un numéro de prestidigitation ), notamment par le rôle que joue E. Musk (cf. sa prestation clownesque dans le bureau ovale, son fils sur les épaules, comme reléguant au second plan le président assis au bureau).
Pour ceux qui n’ont pas voté pour lui, la vulgarité du président est une redondance de celle du candidat. Il y a une cohérence.
Mais pour ses partisans ou ceux qui se sont ralliés juste avant ou après l’élection (en particulier les patrons milliardaires de la « tech ») ?
Même si les codes du pouvoir peuvent être perçus pour ce qu’ils sont – des trompe-l’œil – , ils sont, dans la représentation commune, constitutifs de ce pouvoir.
Quel est le seuil à partir duquel leur transgression par le président et son double ne sera plus supportable pour les uns et les autres ? [E. Musk, qui n’a pas de légitimité politique et dont la position économique peut changer, pourra jouer alors le rôle du fusible]
Les économistes expliquent que la chute des actions de Tesla est due en partie au comportement outrancier et brutal d’E. Musk ; autrement dit, posséder une Tesla n’est pas ou n’est plus forcément valorisant pour son propriétaire.
Les électeurs de D. Trump qui ne sont pas, dans leur immense majorité, les possibles acheteurs d’une Tesla, reçoivent sans ménagement, en pleine figure, une image caricaturale qui peut leur convenir aujourd’hui parce qu’ils croient qu’elle concerne « les autres » (élites, fonctionnaires…), mais qui leur fera dire un jour, sans doute trop tard : et c’est pour ça que j’ai voté !
Ce ça, l’équation capitaliste ((être = avoir + = plus j’ai, plus je collectionne et moins je meurs) capable de toutes les ruses pour ne pas émerger dans le conscient, n’en constitue pas moins le discours essentiel, enfoui, et dont le déni peut conduire à choisir l’abîme plutôt que la liberté