Journal 21 – Le mensonge en politique – (20/02/2025)

L’intitulé du billet politique de Stéphane Robert (8 h 15 – France Culture) était intitulé « Peut-on tolérer le mensonge en politique ? »
L’intitulé pose, entre autres, cette question : quelle est la spécificité de la politique qui en fait un domaine à part ?
La suite du billet y répond ainsi : « Est-ce qu’un mensonge en politique est systématiquement condamnable ? » Il cite alors Hannah Arendt* sans préciser où s’arrête la citation : « Le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié, parce que la vérité des faits est tyrannique, elle refuse toute discussion, il s’est passé ça et pas autre chose, ce n’est pas discutable. Or l’essence de la politique, c’est l’inverse, c’est la discussion et c’est la prise en compte des opinion, ça permet de construire une vérité à peu près acceptable par tout le monde. L’arrangement avec la vérité est donc au cœur de la politique. Ça ne doit pas pour autant rendre le mensonge acceptable en toutes circonstances, car le mensonge est aussi un instrument de tyrannie. »
Que signifie l’opposition entre la « vérité des faits » et la « prise en compte des opinions » et en quoi cette prise en compte serait-elle l’essence de la politique ?
On est en pleine confusion.
La discussion politique ne concerne pas la « vérité des faits » mais les choix entre diverses options.
Par exemple : discuter du « droit du sol » ne repose sur aucune « vérité des faits » mais sur tel ou tel principe qui ne repose pas, lui non plus, sur une « vérité des faits » mais sur une philosophie, une éthique… Discuter de l’âge de la retraite ne repose pas sur une « vérité des faits » (par exemple le rapport entre les actifs et les retraités) mais sur les choix possibles de taux d’imposition, de cotisations etc. que rend nécessaire cette vérité arithmétique.
Comme mensonge politique, il prend l’exemple de la déclaration de D. Trump qui affirme que V. Zelensky n’est soutenu que par 4% de la population ukrainienne alors qu’un sondage estimé fiable et que connaît D. Trump, indique 57%.
Question : pourquoi S. Robert « oublie » de rappeler que D. Trump affirme aussi que V. Zelensky est un dictateur puisqu’ il n’y a pas eu d’élections depuis quatre ans et qu’il est responsable de la guerre.
Il n’en parle pas parce que sa théorie du mensonge politique le coince dans l’impasse où le conduit son adhésion à la thèse d’H. Arendt.
L’absence d’élection présidentielle en Ukraine est une « vérité de fait ». Donc D. Trump ne ment pas. Il ment quand, pour ne pas reconnaître cette « vérité de fait » ( = la guerre, pour des raisons faciles à comprendre, ne permet pas l’élection), il porte les deux accusations contre V. Zelensky qui n’a évidemment pas déclenché la guerre d’agression de V. Poutine qui prétendait que l’Ukraine était un régime néonazi.
Son mensonge « politique » n’est donc pas justifié par une quelconque tyrannie de la vérité (reconnaître que l’état de guerre ne permet pas l’élection n’a rien du « tyrannique » invoqué) mais il est celui d’un principe qui n’a rien à voir avec la vérité d’un fait, à savoir « mes intérêts d’abord ! » (idem pour Gaza) et qui induit « la fin justifie les moyens ».
*Hannah Arendt (1906-1975), d’ascendance juive, est une philosophe allemande naturalisée américaine. Sa relation (amoureuse et intellectuelle) avec le philosophe allemand Martin Heidegger (membre du parti nazi jusqu’en 1944 – ses Cahiers noirs publiés en 2014 témoignent de son antisémitisme) peut rendre problématiques ses analyses. »

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