Journal 4 – De quoi J-M Le Pen est-il le nom ? (08/01/2025)

Le déroulé du catalogue de ce qui lui vaut la célébrité n’explique pas. Il souligne seulement ce qui peut sembler énigmatique, s’il ne l’entretient pas.
La problématique est celle du hors normes dans l’ordre de l’interdit.
L’interdit le plus puissant concerne la négation du réel.
Le réel le plus têtu et le plus traumatisant est celui de notre mort qui nous apparaît comme un impensable et un impossible.
De ce point de vue s’explique l’intérêt pour les « grands » criminels dont la fonction semble rejoindre celle qu’Aristote assigne à la tragédie de son temps : une catharsis, autrement dit une « purification » des passions qu’engendre le type de conscience (biologique et psychique) que nous avons de notre mort – la tragédie propose toujours la mort de l’autre – avec une particularité intéressante dans l’Antigone de Sophocle (cf. les trois articles – 04/06/2021)
Dans la tragédie grecque (Eschyle, Sophocle, Euripide) ce qui permet la catharsis n’est pas l’énoncé d’un événement (sur la scène on ne fait que raconter), mais, réagissant à l’événement, le discours du chœur : un groupe d’hommes chantant et dansant avec accompagnement de l’aulos, instrument à anche, dont a sonorité n’a donc pas à voir avec celles des flûtes à bec ou traversière, mais avec celle du hautbois, beaucoup plus puissante. D’où l’importance de la musique dans le théâtre moderne et contemporain.
Il s’agit donc d’une émotion forte provoquée par des mouvements et des sons non-habituels, hors de l’expérience ordinaire et qui sont présentés et perçus comme tels.
Sous cet angle, ce qui différencie les grands criminels et le chœur antique, c’est la réalité dans laquelle ils évoluent : la vie réelle dans un cas, la parenthèse spectaculaire dans l’autre.
L’intérêt que suscitent les premiers tient dans la confusion entre les deux réalités : le crime le plus inimaginable (par la cruauté, le nombre…) renvoie à notre inimaginable, celui de notre mort et la catharsis du théâtre devient alors une perversion.
L’intérêt pour Le Pen réside dans cette confusion : dans le champ politique qui est essentiellement celui de la vie habituelle et ordinaire, il a, par la voix et la gestuelle, représenté l’impensable et l’impossible par cette perversion de la catharsis qui se manifeste par le rejet de l’autre.

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