Miracles de Nostre Dame est le titre d’une œuvre du Moyen-Âge racontant les interventions de la Vierge Marie. Oui. Parce qu’en cette époque lointaine, on croyait que Dieu ou la Vierge ou les Saints – apparemment pas Jésus – intervenaient de temps en temps pour régler un problème insoluble, en particulier guérir une maladie. Mais oui. Aujourd’hui, on a peine à imaginer cette croyance en un Dieu, une Vierge ou des Saints calculateurs, décidant de guérir l’un plutôt que l’autre et de manière si parcimonieuse. Les gens faisaient même des pèlerinages pour ça. L’idée que les hommes créent des divinités à leur image n’était pas encore très répandue.
Aujourd’hui, nous n’en sommes plus là. Non. Enfin, plus tout à fait. S’il y a eu un miracle, à en croire certains commentateurs de la radio du service public, c’est celui de Notre-Dame. La cathédrale. Un miracle qui n’a pourtant rien de surnaturel puisque, le président l’a rappelé dans son allocution, la France est capable de réaliser l’impossible.
Non. Je ne cherche pas à minimiser l’importance du travail réalisé par tous les corps de métier. Ni même à passer sous silence le volontarisme du président qui avait annoncé, dès le lendemain de l’incendie que l’édifice serait restauré en cinq ans. Le miracle, c’est Dieu, et comme le président en est à l’origine… Pour les Romains, c’était Jupiter.
Non. C’est la tonalité que je n’aime pas. La sienne et celle des trois France de radio (Culture – Inter – Info) dans les journaux du soir que j’ai écoutés les uns après les autres pour être bien sûr. La tonalité de transcendance religieuse. Et aussi l’inadéquation.
Ce bâtiment est à la fois un monument national et un lieu de culte.
La cérémonie républicaine du samedi soir célébrant la fin des travaux étai pertinente – passons sur la tentative de récupération politique –, à l’exception des coups de crosse de l’archevêque donnés sur la porte pour demander à l’Esprit-Saint de l’ouvrir et permettre l’entrée du président et de ses invités.
En revanche, la présence, en tant que tel, du président de la République à la messe du dimanche – c’est là qu’auraient dû être donnés les coups de crosses –, ne l’était pas. Comme elle ne l’était pas à Marseille lors de la visite du Pape et comme ne l’était pas l’ouverture de la fête juive de Hanouka à l’Elysée.
Quant à sa diffusion sur les chaines du service public, j’ai envoyé ce courrier à la Médiatrice.
« Madame,
La surprise d’entendre la messe sur France Culture ce dimanche 8 décembre à 11 h 00 m’incite à vous soumettre cette réflexion relative à la retransmission hebdomadaire de la messe, sur cette chaine, le dimanche matin. Si je trouve conformes à la mission du service public les émissions du dimanche relatives à ce qui ressortit à la croyance – il s’agit de culture qui inclut la non-croyance, l’athéisme – en revanche, la retransmission de la messe n’est pas de l’ordre culture, mais cultuel, en ce sens qu’il s’agit d’un événement qui n’est pas soumis à une analyse ou un débat, mais donné comme tel. Si la réouverture de Notre-Dame, samedi 7 décembre, était bien un événement culturel, la messe de ce dimanche ne l’était pas et supprimer les émissions culturelles habituelles « L’esprit public » et « Les bonnes chose s» est contradictoire avec l’esprit de service public laïque, comme était contradictoire la présence à la messe, en tant que tel, du président de la République laïque. Cordialement »
Photo : un ciel de vent cévenol, dimanche matin.
