Les médias s’accordent pour dire que l’élection qui se déroulera demain aux USA a une dimension historique.
La démocratie ( = deux mots grecs : dèmos – le peuple – kratos : vigueur, puissance, domination) est le pouvoir du peuple. Mais, le peuple, c’est quoi exactement ? Ce n’est ni la foule ni le nombre, mais une entité qui ne se réduit ni à l’une ni à l’autre et qui représente une réalité si vague et floue que des voix politiques opposées – aux extrêmes, droite et gauche – s’en réclament comme justification de leur discours. Hitler et Staline se réclamaient l’un et l’autre du peuple.
Quant à son pouvoir, comment peut-il s’exprimer, concrètement ? Aux deux extrêmes, par la délégation (président, députés, sénateurs) ou par le chef qui incarne à la fois le pays, la nation et le peuple et auquel on prête serment.
Il n’existe donc pas de définition consensuelle ni définitive de la démocratie, peut-être parce que ce qui la sous-tend est la problématique de la liberté qui implique la confrontation permanente entre la collectivité et l’individu.
Les USA se présentent comme le pays de la liberté de l’individu, et « communisme » est sans doute le mot le plus insupportable aux oreilles des descendants de ceux pour qui la loi fut d’abord celle des plus forts ou des plus roués/désinhibés (cf. The Westerner – Le Cavalier du désert – le film de W. Wyler (1940) retraçant l’histoire de Roy Bean) dans la conquête de leur territoire physique, financier ou industriel.
Que D. Trump accuse K. Harris d’être communiste est le double signe de la force répulsive du mot et de la vanité du discours politique actuel : pour une partie importante de l’électorat, ce que disent D. Trump et K. Harris ne vaut pas pour le contenu, mais pour ce que l’un et l’autre représentent dans ce moment de l’histoire américaine : lui, le « moi d’abord » vers lequel il pousse le curseur de la confrontation individu/état jusqu’à l’exacerbation des passions, elle, l’équilibre maintenu depuis la fin de la guerre de sécession, à l’exception des quatre années 2016-2020, et aujourd’hui si fragile que certains évoquent le risque d’une guerre civile.
L’élection indiquera – après ce premier mandat de D. Trump, son incitation à l’envahissement du Capitole, ses inculpation et sa condamnation… qui en font un délinquant – l’incidence aux USA du « moi d’abord » qui s’apparente à celui du outlaw des westerns.
Je ne vois pas d’autre définition pour peuple que processus d’éducation politique. En d’autres termes, peuple n’indique pas une réalité matérielle mais un idéal vers lequel tendre, ce qui revient à dire que c’est la nature du discours politique qui signifie ce qu’est le peuple à un moment donné de l’histoire d’un pays.
C’est en quoi l’élection de demain peut être historique.