Le 1er novembre n’est pas la fête des mort – elle, c’est le 2 novembre – mais des saints, plus exactement de tous les saints, autrement dit de tous les morts puisque les visites dans les cimetières sont programmées pour ce jour-là. Ce qui ne veut pas dire que les morts visités le 2 ne sont pas saints. Les morts des vivants n’habitent pas forcément la même commune et il faut donc étaler les visites. Comme les déplacements en voiture sont très nombreux ces deux-jours, il y a donc de très nombreux morts sur les routes, c’est logique, le diable qui loge en enfer ne vous dira pas le contraire.
Dans son sens étymologique, l’enfer, c’est l’au-dessous.
Le nom hérité du latin infer est au pluriel (les enfers) pour désigner le lieu où allaient indistinctement toutes les âmes des morts antiques et que la religion grecque nommait Hadès – la divinité des enfers. Inferi chez les Romains. Le tri entre les bons et les méchants se faisait là-dessous. Les Champs-Elysées pour ceux-là, le Tartare pour ceux-ci. Il n’y avait pas de résurrection prévue. Pas de fin des temps non plus.
Il est au singulier pour désigner le lieu dans lequel sont précipitées celles des méchants de la religion chrétienne pour y souffrir éternellement à cause de leurs péchés. Ce sont les damnés. Puisqu’il y a une résurrection prévue le jour du Jugement dernier de la fin du monde, celles des bons monteront au ciel rejoindre Jésus qui n’a donc pu que monter après être sorti du tombeau, comme le rappelle Apollinaire dans son poème Zone (le premier du recueil Alcools) avec un regard et un ton qui ne sont pas tout à fait orthodoxes :
« C’est Dieu qui meurt le vendredi et ressuscite le dimanche
C’est le Christ qui monte au ciel mieux que les aviateurs
Il détient le record du monde pour la hauteur »
La question qui a angoissé des générations de croyants concerne la nature de cet enfer et des supplices réservés au damnés par le Diable et ses acolytes. Jérôme Bosch (15ème siècle) en a proposé un aperçu réjouissant dans le panneau de droite de son triptyque Le Jardin des délices.
Aujourd’hui, plus personne, ou presque… encore que…, ne croit à ces fantasmagories, surtout depuis Sartre qui a extirpé l’enfer de l’au-dessous pour le mettre sur l’au-dessus. « L’enfer, c’est les autres » assure Garcin, un des trois personnages de sa pièce Huis-Clos (1944). Cette affirmation qui termine la pièce pose la question du regard de l’autre relativement à sa propre existence.
J’ai trouvé sur Internet ce commentaire du journal catholique La Croix : « Il y a une part de vérité dans cette affirmation, car tout se joue en effet dans la relation. Relation à Dieu, aux autres. Être fermé aux autres, refuser toute relation, c’est cela l’enfer. »
Face à une tentative de récupération aussi désarmante, je conseille le sourire.