Journal 98 – l’ « explication » par l’individu (18/10/2024)

La mort de Yahya Sinouar – chef du Hamas – est considérée dans les médias comme un tournant en ce sens qu’il est présenté, implicitement ou pas, comme l’explication du 7 octobre.

L’explication par l’individu a ceci de rassurant qu’elle contourne la problématique du processus et de la coresponsabilité. Elle est une forme du bouc émissaire qui fonctionne d’autant mieux ici que le hors normes de l’individu tel qu’il est défini (violent, brutal, cruel, sadique) correspond à l’atrocité du massacre du 7 octobre toujours présenté, dans le cadre de ce discours simplificateur, comme un commencement.

Ce type d’explication pose la question : quand a commencé la personnification de la politique ?

Il n’existe pas de périclèsisme (Athènes), d’augustinisme (empire romain), de charlemagnisme, de louisquatozièmisme, de napoléonisme…

En revanche, et à partir du 20ème siècle, on parle, de léninisme, de stalinisme, d’hitlérisme, de pétainisme, de gaullisme, de castrisme, de chavisme… mais pas de mussolinisme, de churchillisme, de rooseveltisme…

Question de la question : est-ce qu’il y aurait un lien avec la mise en évidence de l’inconscient au 20ème  (S. Freud) ? Autrement dit, est-ce que la personnification apparaît puisque la reconnaissance du processus met désormais en jeu l’inconscient collectif, donc qu’elle est dérangeante, comme peut l’être pour l’individu le questionnement du rôle de son inconscient dans un acte qu’il a du mal à assumer ?

Lénine, Staline, Castro renvoient au capitalisme exploiteur de la force de travail, Hitler au capitalisme exploiteur de l’Allemagne, Pétain à la Collaboration, De Gaulle à la Résistance : ces personnifications permettent le contournement de la problématique du capitalisme (dans ses diverses formes d’expression) et de la coresponsabilité collective et individuelle d’acceptation. Elles ont en commun un discours idéologique/philosophique. Mussolini*, Churchill, Roosevelt représentent au contraire des réponses politiques essentiellement d’ordre pragmatique. * La pensée de Mussolini – qui fut d’abord socialiste – se réduit à des slogans.

La banalisation singulièrement appauvrissante – mitterrandisme,  chiraquisme, balladurisme, jospinisme,  sarkozisme, hollandisme,  macronisme – serait le signe de l’impasse philosophique où nous sommes.  

Le « dérangeant » que signifie la personnification touche à l’inconscient collectif : il est beaucoup plus facile de dire qu’Hitler était fou que d’expliquer qu’il a été le catalyseur d’un mouvement de fond qui lui préexistait et qui implique une coresponsabilité nationale et internationale.

Le Hamas n’est pas né sans raisons, la manière dont a évolué sa direction non plus.  

Imaginer que cette problématique a disparu avec la mort de son chef est un leurre, comme est un leurre la victoire proclamée de B. Netanyahou et de l’armée israélienne. L’écrasement systématique par les bombes ne ressortit pas à une logique de guerre codifiée, mais de destruction pure.

Photo : le ciel après la pluie.

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