Journal 96 – deux discours – (09/10/2024)

1° Les derniers rapports de la Médiatrice de Radio-France (dont France Culture) font état des critiques d’auditeurs quant à la manière dont a pu être traité le problème Israël/Palestiniens dans le contexte de la phase actuelle du conflit à Gaza et au Liban, notamment. (cf. Journal 95)

Ce matin, G. Erner avait invité trois personnes pour en parler  (Agnès Levallois, vice-présidente de l’iReMMO (Institut de Recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient, chargée de cours à Science-Po Paris / Henry Laurens, Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’Histoire contemporaine du monde arabe / Rami Abou Jamous, journaliste à Gaza).

Pour une fois, et après le témoignage du journaliste sur les conditions de vie à Gaza – il vit réfugié sous une tente – fut proposée par les deux autres invités une analyse prenant en compte le processus du conflit– l’émission est disponible sur le site de France-Culture. Je retiendrai de leurs discours le refus de la simplification, notamment par le rappel de la dimension originelle politique du Hamas et la mise en perspective des fantasmes millénaristes islamistes avec ceux des extrémistes religieux israéliens et des évangélistes qui soutiennent D. Trump.

2° Hier, l’invité des Matins était Marcel Gauchet, philosophe et historien, convié pour parler du livre qu’il vient de publier Le nœud démocratique (Gallimard).

C’est un discours autre. Les petits rires qui le ponctuent m’ont rappelé un article que j’ai publié le 11 mai 2022 sous le titre Les rires de Marcel Gauchet – ce jour-là il expliquait pourquoi Marine Le Pen et le RN ne sont pas d’extrême-droite.

Là, il s’agissait de la démocratie et, en écoutant, je me disais que ce discours – approuvé par G. Erner dont l’esprit critique n’est pas la première qualité – est un des symptômes du chaos que nous traversons, par son schématisme, ses approximations, ses lieux communs et son absence de colonne vertébrale.

Par exemple, ceci : «  Nous sommes plus heureux à beaucoup d’égards que nos ancêtres, je n’ai rien contre la modernité pour tout ce qu’elle nous apporte, il y a un plan sur lequel nous sommes infiniment plus heureux qui est pour ainsi dire le plan matériel, mais nous vivons sous le signe de la question, nous avons en permanence à nous poser des questions sur ce que nous faisons sur ce que nous voulons à l’échelle tant individuelle que collective, c’est la difficulté de vivre, c’est pas le malheur, nous ne sommes pas dans un état de détresse absolue, je ne voudrais surtout pas donner l’impression de décrire une condition inhumaine, c’est le contraire, nous sommes plus humains que nous ne l’avons jamais été, mais c’est plus difficile, intellectuellement, affectivement, sentimentalement que ça ne l’a jamais été. »

Ce fatras pose au moins cette question : comment est-il possible qu’un philosophe-historien puisse énoncer de telles bêtises qui vaudraient un carton rouge à une copie de philosophie ou d’histoire de classe terminale ?

Comparer les états de bonheur est une absurdité, surtout avec le paramètre  « matériel » , et assurer que vivre sous le signe de la question est un phénomène actuel est sidérant.  Quant à nous n’avons jamais été plus humains qu’aujourd’hui, c’est de l’ordre du non-sens.

A G. Erner qui abonde dans son sens avec ce propos marqué de la même finesse : « On ne sait plus avec qui on va se marier, il n’y a plus de marieur, on ne sait plus ce qu’on doit croire, on peut changer de religion, ne pas en avoir, la démocratie qui nous apparaissait pleine de promesses nous apparaît comme décevante »,

il répond :

 « On peut découvrir une certaine facilité de vivre à une petite échelle, au niveau collectif,  une exposition, ce qui est une chose tout à fait nouvelle dans l’histoire, à la contradiction, nous découvrons que nous sommes en opposition les uns avec les autres ». [ Dans la vallée fluviale de Tollense, dans le nord de l’Allemagne, on vient de découvrir les restes de dizaines d’hommes tués dans une bataille, il y a près de trois mille ans… donc dans un temps où les hommes n’avaient pas encore découvert qu’ils étaient « en opposition », non plus que les catholiques et les protestants qui se sont massacrés en toute harmonie pendant des décennies, etc.]

Ce qu’il dénonce, c’est l’absence du « vrai diagnostic de la situation » qu’il définit ainsi : « Le vrai diagnostic ça commence avec l’immigration illégale et ça se continue avec l’adaptation à la globalisation financière. »

Le remède ? « Le réalisme c’est comment on s’adapte [à la mondialisation].  Nous ne nous demandons pas comment nous pourrions jouer avec les règles à notre avantage. Comment fait-on pour s’insérer dans ce système d’une manière qui soit protectrice pour la masse de la population et bénéfique pour elle, à terme par les effets de croissance et de redistribution. »

Tout cela ponctué de petits rires d’autosatisfaction.

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