La question de la couleur de l’âme n’est pas souvent abordée, même par la métaphysique qui s’intéresse pourtant à tout ce qui n’est pas proprement physique. L’âme en particulier. Les métaphysiciens se demandent donc s’ils ont une âme, c’est même ce qui les constituent en tant que tels : s’ils concluent qu’ils n’en ont pas, ils en restent là, ce que je comprends fort bien, mais s’ils trouvent qu’ils en ont une ils ne cherchent pas plus loin. Ce qui est quand même surprenant : étant donné que nous différons par nos corps – certains sont noirs, d’autres jaunes, d’autres blancs, d’autres bistres etc. je ne vous apprends rien –, pourquoi les âmes de ceux qui en ont une auraient-elles la même couleur ?
D’où me vient cette question en ce 27 juillet 2024 ? De la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques qui s’est déroulée hier, le 26. Pour ceux qui ne lisent pas de journaux, n’écoutent pas la radio et ne regardent pas la télévision, je précise que les JO ont lieu à Paris et que la cérémonie d’ouverture ne s’est pas déroulée dans un stade, comme c’est la coutume, mais sur l’eau de la Seine et, ce qui était moins prévu, sous l’eau du ciel.
Je ne l’ai pas regardée parce que je suis en Irlande. Je ne l’aurais pas regardée si j’étais en France, mais, comme je viens de le dire, je suis en Irlande. Plus précisément, depuis le début de l’après-midi, nous sommes installés dans le Connemara, où nous savons, depuis M. Sardou, qu’il y a des lacs et des rivières. Entre parenthèses, j’ai lu je ne sais plus où que ceux qui ont écrit le texte et composé la musique de cette chanson – à l’origine elle devait célébrer l’Ecosse – ne connaissent pas l’Irlande – ce que confirment le rythme et la mélodie qui n’ont rien d’irlandais
Quand on vient du nord et qu’on aborde le Connemara par Leenaun… Comment dire… Si vous avez expérimenté le sentiment de parfaite adéquation entre vous et un paysage, vous comprendrez ce que j’essaie de dire sans trouver les mots.
Je reviens à mon âme.
Je n’ai pas regardé la cérémonie mais j’ai lu les comptes-rendus : dithyrambiques sur France Culture et dans Le Monde, très tranchés dans les contributions : ou génial ou vulgaire ou scandaleux.
J’ai jeté un coup d’œil sur YouTube pour me faire une idée. Je suis tombé sur Marie-Antoinette tenant sa tête tranchée sur ses genoux sur un fond de Conciergerie illuminée et de « Ah ça ira ça ira ! ». J’ai beau retourner le problème dans tous les sens, je ne parviens pas à sortir de l’obscénité.
En revanche, la flamme transmise à un vieux monsieur assis dans un fauteuil roulant, Aya Nakamura chantant et dansant accompagnée par les musiciens de la Garde républicaine – est-ce que ce ne serait pas un oxymore ? – et la voix de Céline Dion…même si l’Hymne à l’amour (… si tu m’aimes, je me fous du monde entier…) ne me semble pas tout à fait correspondre à la situation… Ah, la voix humaine !
Et là, j’ai trouvé la couleur qu’aurait mon âme si j’en avais une : bleue, plus exactement, fleur bleue.