Il y eut donc une tempête, mais dans l’autre sens. C’est quoi, « une tempête dans l’autre sens » ? demandez-vous. C’est quand le vent souffle de l’opposé. Voilà, c’est ça. De l’opposé. Vous l’attendiez de tribord-extrême – force 11, façon dévastation – et il vient de bâbord – façon dégagement du ciel, oui, non, ce n’est pas très scientifique mais ça cause bien.
Je quitte la météo métaphorique.
Ce qui s’est produit hier est, de mon point de vue, ce que Spinoza nomme « conatus » (oui, c’est un nom latin – il écrivait en latin – qui indique l’effort), le constituant du vivant. En d’autres termes : « persévérer dans son être » comme il dit toujours en latin . Le moteur. Un moteur que l’individu ne contrôle pas plus que l’énergie de ses cellules, la collectivité que son énergie vitale, mais qui est celui de sa vie d’individu et de sa vie de collectivité.
L’idéologie du RN est la programmation de l’arrêt du moteur. C’est cela qu’a senti la grande majorité des citoyens français qui lui a refusé sa voix.
Senti et seulement senti, parce que l’explication n’a pas été donnée.
Après les résultats, à 20 h 00 sur Arte – ouf ! – nous avons regardé pour la énième fois, Mark Dixon detective, d’Otto Preminger (1950) pour beaucoup de raisons dont Gene Tierney – quelle femme ! quels yeux ! quel visage ! quelle actrice ! – n’est pas la moindre. Puis, la curiosité étant la plus forte, nous nous sommes risqués à sélectionner France 2 pour tenter d’avoir quelques résultats. Nous sommes tombés – tombés, c’est le mot, dirait Saturnin Fabre (cf. Les portes de la nuit) – sur un « débat » qui opposait F. Bayrou (centre), J-F Copé (droite), L. Aliot (RN) et une élue de LFI dont je n’ai pas retenu le nom, très agréable à regarder – les autres, pas vraiment – , mais insupportable à entendre. Les trois autres aussi. Pourquoi les chaines de télé et de radio invitent-elles des représentants de partis pour débattre en sachant qu’il n’y a non seulement aucun débat possible, mais que les points de vue forcément biaisés ne peuvent convaincre que les convaincus ? Autre chose serait : des déclarations partisanes suivies d’analyses de spécialistes divers.
Il fut question du barrage républicain, mais, et c’est ce que je disais juste plus haut, aucun n’expliqua ce qui le justifiait.
Le conatus n’exclut pas le cancer ou le suicide.
Notre député sortant (LFI) élu il y a deux ans, s’est fait battre de quelques centaines de voix (sur environ 9000 exprimes) par une candidate RN. En deux ans, quel fut son travail pour développer la culture politique des citoyens de son arrondissement ? Aucune publication, pas le moindre journal, rien. Il est le premier responsable de son échec.
Si la tempête redoutée n’est pas arrivée, elle n’a pas disparu. Après avoir entendu les déclarations des représentants de la gauche – le lyrisme de J-L Mélenchon sonnait toc – je ne perçois pas de lumière, pour le moment. Rien qui indique l’émergence d’un discours autre.
Voilà.
J’entends la sirène du Pont-Aven, le ferry qui va nous transporter vers l’Irlande. Il largue ses amarres vendredi, mais j’ai l’ouïe fine.