« Faire barrage » à l’extrême-droite, au RN, n’est pas une métaphore en ce sens qu’il s’agit d’ériger une protection matérielle, quantitative, contre une menace de même nature qui s’exprime par un nombre de députés.
La résonance de l’expression, celle du barrage chargé de contenir l’eau, est celle d’un extérieur à nous en tant que communauté, comme l’est d’une manière générale toute menace, pour l’humanité (inondation, pandémie) ou des groupes humains (agression, guerre).
Seulement, voilà : relativement à l’enjeu – le gouvernement de la France – le RN n’est pas un extérieur et ceux qui votent pour lui pourraient se demander en quoi ils sont une menace contre laquelle tous les autres devraient ériger un barrage et ils pourraient protester contre cette forme de discrimination matérielle, quantitative. De leur côté, les chefs du RN qui font valoir le nombre des votants pourraient dénoncer cet appel au barrage en protestant que le RN est un parti comme les autres.
Or, ni les votants, ni les chefs ne s’insurgent contre le principe du barrage : s’ils dénoncent la nature des alliances contre le RN, ils ne contestent pas le principe d’une démarche qui revient à les extérioriser.
L’incongruité est mise en évidence par ceux-là mêmes qui appellent au barrage quand ils précisent que les votants RN ne constituent pas une catégorie à juger ou à discriminer.
Ce qui est ainsi signifié sans jamais être explicité, c’est que la menace que représente le RN, en tant qu’expression de l’idéologie d’extrême-droite, est intérieure, non à la France, mais qu’elle est intrinsèque de l’homme et qu’elle témoigne, aujourd’hui en France, en Italie, au Pays-Bas, en Allemagne, en Hongrie, en Argentine, aux Etats-Unis… de l’évolution grave d’une pathologie collective mortifère.
C’est elle qu’il faut expliquer et c’est contre elle qu’il faut dresser un barrage.