Journal 64 – le bloc RN et le composé NFP – (01/07/2024)

Le début juillet, dans mon histoire d’enfant, c’était le papier de verre passé sur les pupitres de l’école primaire pour enlever les taches d’encre et éclaircir le bois, l’allongement des récréations et les grandes vacances d’été en vue. C’était aussi le Tour de France, Darrigade, Hassenforder, Walkowiak, Bobet… en photos de collection dans les plaquettes carrées de chewing-gum rose.

Ce n’est pas pour la nostalgie – je n’ai pas cette souffrance – mais pour la profondeur de l’abîme.

Dans le début juillet d’aujourd’hui, le chewing-gum n’est ni carré ni rose et je ne suis pas sûr qu’on collectionne les photos des coureurs du Tour de France.

A propos de vélo, hier matin – il n’était donc pas encore 20 h 00 –, je me suis arrêté pour un café sur la terrasse du « bar du château » dans un petit village situé au bord d’une rivière.  Ecoutez l’eau, les platanes (il y a un peu de vent), quelques Cévenols du coin qui parlent fort avec l’accent cévenol. Oui, c’était encore en juin et avant 20 h00. Tandis que j’appuyais le vélo contre la table, le garçon m’a demandé si j’étais un échappé du peloton – le maillot que je porte est jaune, comme le cadre du vélo, c’est vous dire. J’ai acquiescé en précisant qu’il était loin derrière et que j’avais le temps d’une tasse de café.  Bon, ce n’est pas à mourir de rire, d’accord, mais pourquoi voudriez-vous mourir ?

Ce matin, 1er juillet, il est surtout question à la radio et dans mon journal de savoir qui va ou ne va pas se désister et si les électeurs vont suivre les consignes données par les partis pour le second tour du 7 juillet.

Parce que, ce 30 juin, au soir – et là, je cite le journaliste qui présente le journal de 12 h 30 sur France Culture, ce 1er juillet – dans « un pays qui place l’universalisme au sommet de ses valeurs, le parti qui tire ses racines de fondateurs aux convictions négationnistes et racistes  » (…)  est devenu « le premier parti de France ».

J’ai écouté les uns et les autres, en particulier ceux qui sont dans le ni-ni (rien à voir avec la « si belle et si gentille » qu’on « aime bien à La Bastille ») de la grande pensée politique, mais je ne suis pas sûr que ce soit même une pensée.

Tout au bout, je rencontre l’énigme (enfin, ce n’en est pas vraiment une, mais ça y ressemble) que me pose le changement de vote. Par exemple, le RN a plus que doublé ses voix depuis les dernières législatives et on sait qu’elles sont pour une bonne part, celles d’électeurs qui votaient à gauche, notamment, pour le parti communiste. Ou encore, le problème des indécis qui ne savent pas s’ils vont voter à gauche ou à droite. En réalité, ils ne disent pas ça, mais ils se demandent plutôt « pour qui ? » ils vont voter. Et les responsables des partis ne font pas grand-chose pour qu’ils comprennent qu’il ne s’agit pas de voter pour quelqu’un mais qu’il s’agit d’autre chose.  Peut-être parce qu’ils sont eux-mêmes dans le même cercle du déni dont les slogans, les ni-ni –   et les changements de vote –  sont des expressions. Fabien Roussel, le secrétaire du parti communiste, qui a beaucoup flirté – c’est peu dire – avec le discours populiste, simpliste – il n’est pas le premier – vient d’en payer le prix par son élimination.

J’ai écouté les fines distinctions subtiles de ceux qui – d’Edouard Philippe à Bruno Lemaire en passant par l’ineffable François Bayrou – ciblent LFI en faisant semblant d’ignorer que ce mouvement ne constitue pas par lui-même un bloc-parti, mais qu’il est une composante du NFP.

J’ai envoyé au Monde cette contribution – une manière de donner une voie et une voix de sortie à la colère – dont les quelques réactions qu’elle suscite me disent qu’elle ne sert peut-être pas qu’à ça :

«  Le RN constitue un bloc homogène qui parle d’une seule voix, le NFP est un composé hétérogène aux voix diverses et divergentes. D’un côté, le discours du « moi d’abord » calé sur le mythe d’une identité nationale gravée dans le marbre (pour les effets, voir l’incident de Montargis), autrement dit l’exploitation des passions tristes, en particulier du ressentiment, de l’autre, le discours du « commun » qui contient l’expression – LFI – de schématismes visant des passions, dangereuses quand elles sont celles d’un bloc. Difficile de soutenir une équivalence de danger démocratique, comme le fait une partie de la droite et du centre qui, par le déni des contradictions (la marque du vivant, dans son ensemble), alimente le danger mortifère du bloc homogène. »

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