Logorrhée, rhétorique et irresponsabilité.

La logorrhée (du grec logos, parole et rhein, couler) est un flux de paroles qui se caractérise par son caractère irrépressible. Quelqu’un parle sans qu’il soit possible de l’arrêter.

La rhétorique (du grec eirein : parler) est l’art de bien parler.

J’ai écouté – en rediffusion – les deux invités de G. Erner dans Les matins de France Culture du mardi 26 juin : Mattieu Block-Côté,  essayiste sociologue québécois (il intervient en France dans les médias de V. Bolloré)  et Bérénice Levet, essayiste philosophe qui soutient le RN.

Si B. Levet s’est révélée particulièrement faiblarde – l’oral n’est manifestement pas son point fort, sans doute à cause de son dogmatisme – , en revanche, M. Bock-Côté qui a parlé le plus et le plus vite, est un orateur brillant auquel son accent – j’aime bien l’accent québécois, ce n’est pas un argument, non, mais, oui quand même un peu– confère une touche d’exotisme sympathique. C’est bien, non ? d’écouter un spécialiste étranger qui se penche sur nous avec un accent qui incite à regarder le doigt plutôt que la lune qu’il montre.  

Bref, quel que soit le sujet, il est capable de répondre à n’importe quelle question par un déroulé argumentaire intarissable, dans une logorrhée qui témoigne d’une grande maîtrise d’un art de parler qui aboutit souvent à faire du langage une fin en soi pour esquiver les problèmes.

Par exemple, il récuse ainsi l’appellation « extrême-droite » : « C’est un concept qui participe à un dispositif d’épouvante qui empêche de nommer l’adversaire. Je crois que la tendance à l’extrême droitisation du désaccord s’effondre quand on voit à peu près la moitié de la population française qui peut envisager de voter pour un tel part » . Et il ajoute qu’il faut lui dire si cette moitié est fasciste.

G. Erner convient que le RN ne propose pas les références des nazis, non sans une certaine gêne qui vient peut-être d’une petite voix lui murmurant que c’est une question-piège de pure forme, et qu’il faut distinguer entre l’essentiel d’un discours et les signes choisis pour le diluer et l’escamoter. Quant au reste, il ne réagit pas.

Il était pourtant assez facile de demander en quoi les 34% de votants allemands pour les nazis en 1932 avaient fait disparaître le caractère nazi. Autrement dit, en quoi un nombre est-il signifiant d’autre chose que d’une quantité ? Et en quoi dire « le RN est un parti d’extrême-droite » empêcherait-il de le nommer ?

Un des révélateurs de l’artifice de la rhétorique de M. Bock-Côté, est l’exploitation de son statut de Québécois (il insiste : Québécois, pas Canadien) et de sociologue pour créer l’illusion de l’impartialité du spécialiste savant « extérieur » – il le signifie à plusieurs reprises – pour faire croire qu’il serait neutre, ni engagé, ni militant, comme si les médias de V. Bolloré dans lesquels il intervient régulièrement ne soutenaient pas l’idéologie d’extrême-droite.

A cet égard, c’est un Tartuffe. Le personnage de Molière est lui aussi un brillant causeur.

Ce matin, mercredi 26, G. Erner a estimé nécessaire de justifier son invitation dans son « humour du jour ».

Il est intéressant de l’écouter – ou de la lire sur le site de France Culture – pour se rendre compte que lui aussi se plaît dans la rhétorique jusqu’au non-sens.

Voici comment il la conclut (je retranscris le texte de la page d’accueil) :

« Je vais vous raconter une histoire – un camarade garagiste, sur le débat Attal-Bardella, celui où beaucoup de commentateurs avaient déclaré Attal grand vainqueur. Mon camarade lui n’avait pas vu le même débat, « il a bien tenu hein Jordan, pour quelqu’un qui n’a pas de diplôme ». C’est cela entendre l’autre – accepter que les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effet. »

Ce que recouvre ici « même cause » – le débat Attal/Bardellea – n’a rien d’une cause dans le sens (scientifique) du principe « les mêmes causes produisent les mêmes effets » mais d’un fait dont le principe même est de susciter des lectures différentes.

Jouer de la rhétorique la plus artificielle pour traiter d’un problème aussi grave est au minimum de l’irresponsabilité.

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