Voici, retranscrite intégralement son « humeur du jour » diffusée le mardi 25/06 sur France Culture (6 h 55).
« La profession RNologue consiste à expliquer les causes du vote RN qui en dit plus sur notre rapport au RN que sur le RN lui-même puisque la profession de Modemologue ou de Radicovaloisiennologue n’a jamais fait recette personne n’a jamais eu besoin d’expert pour expliquer les raisons du vote modem ou du vote en faveur des radicaux valoisiens . Alors attention, que les choses soient claires, loin de moi l’idée de dire que cette profession est inutile, j’ai reçu et je recevrai des personnes dont la profession est de faire de la sociologie électorale en général et du RN en particulier. Mais avouez qu’il y a quelque chose d’étonnant dans cette demande d’explication, comme s’il fallait des anthropologues habitués aux peuplades étranges alors que les électeurs du RN constituent le tiers des votants . Ces votants ne parlent pas une langue étrange ne se distinguent pas par des mœurs bizarres, ils apportent leur voix à un programme qui affiche clairement la couleur, programme reposant sur un triptyque qu’on peut résumer à l’aide de trois mots clés :immigration, insécurité, pouvoir d’achat, un triptyque martelé de manière non subliminale. Ça n’épuise pas toutes les raisons du vote RN, bien sûr, mais ça en dit l’essentiel, l’essentiel des raisons puisqu’en sociologie on considère que les acteurs ont des raisons, cela ne veut pas dire qu’ils ont raison d’avoir ces raisons, mais qu’ils sont rationnellement capables d’expliquer les raisons de leurs actes. La multiplication des RNologues est une fonction croissante du nombre croissant des électeurs du RN non seulement parce que le besoin de RNologues se fait particulièrement sentir, mais parce que l’incompréhension face à cette peuplade étrange témoigne du clivage existant en France, une partie des Français ayant besoin de traducteurs pour comprendre l’autre. C’est cela finalement que révèle l’existence même des RNologues, l’existence de deux France, l’une ayant désormais bien du mal à comprendre l’autre. »
« RNologue est un mot créé (néologisme) par G. Erner pour désigner ceux dont la profession « consiste à expliquer les causes du vote RN », un sujet d’étude dont l’objet serait donc une construction artificielle de ces professionnels. L’ironie de la formule « profession RNologue » – associée aux grotesques « modemologue » et « radico etc. » a pour effet de ridiculiser la « profession » et de souligner une absurdité énigmatique puisque rien d’objectif ne justifierait un tel investissement. Bref, la « profession Rnologue » s’occuperait non du RN mais du rapport que nous avons avec lui. Autrement dit « notre problème ».
La nuance de précaution qui vient tout de suite après (« Alors, attention… ») établit une confusion : les RNologues seraient donc des spécialistes de la sociologie électorale, ce qui ne correspond ni au sens du mot créé – le suffixe -logue indique une spécialité (philologue, anthropologue, gynécologue, paléontologue etc. ) appliquée à un objet précis, ici le RN– ni « aux causes du vote RN » : la question des rapports entre les individus et la société (objet d’étude de la sociologie) n’est qu’une partie de l’étude des causes du vote RN qui concernent aussi et peut-être surtout les domaines de la politique, de la philosophie, surtout de l’idéologie.
A noter : que G. Erner ait reçu et qu’il recevra encore des RNologues constitue la preuve qu’il ne sont pas « inutiles ». Il s’érige ainsi comme le critère d’utilité. Est-ce à dire que tous ceux qu’ils n ‘a pas reçus et qu’il ne recevra pas sont « inutiles » ?
Le déroulé de l’argumentaire est construit sur le même registre de l’ironie et dans la même confusion : si on se place du point de vue qu’il prête aux RNologues, en quoi le fait que les votants RN constituent un tiers des votants leur ôterait le caractère d’étrangeté ? La référence ironique aux peuplades vise encore à contourner le problème : personne ne dit que les causes du vote RN sont à chercher dans l’étrangeté de ceux qui le choisissent et que personne n’assimile à la connotation de « peuplade », ambiguë, qui fera surtout rire le RN.
Quant au triptyque (immigration, sécurité, pouvoir d’achat) du programme à la « couleur clairement affichée », G. Erner sait très bien qu’il repose sur un socle idéologique, qu’il omet de citer : l’identité et la préférence nationales auxquelles la question migratoire n’est pas réductible.
Enfin, et sur un fond de défiance à l’égard de la sociologie (que n’aime pas du tout l’extrême-droite) il joue avec le mot « raison », comme s’il ignorait que l’idéologie du RN ne s’adresse pas à la pensée, mais aux passions.
Le discours repose sur l’implicite : le RN est un parti comme les autres. Une assertion que conforte la charge critique, moqueuse (là encore, c’est le RN qui rit), à l’égard de ceux qui se penchent donc sur un problème qui n’existe pas.
L’installation du déni commence là. »