RN : diagnostic.

Une habitante d’une petite ville du Finistère – je n’ai pas retenu le nom – expliquait, lundi,  au micro de France Culture, qu’elle avait voté RN parce ce qu’elle était effrayée de ce qu’elle voyait à la télé de la situation dans les grandes villes, en particulier à Paris, et – avec l’émotion, était perceptible une certaine gêne dans sa voix – qu’elle voulait retrouver la vie de son enfance. Elle précisait qu’il n’y avait pas d’immigrés dans sa ville, qui, précisait le journaliste, dispose de commerces et de services publics.

Nous en sommes là. Nous, c’est-à-dire l’humanité désormais orpheline de l’hypothèse d’une possibilité d’alternative au système capitaliste générateur de problèmes dont la gravité concerne désormais la survie de l’espèce et peut conduire à en rendre responsables les constructions politiques antérieures. L’angoisse que sa conscience de sa mort produit chez l’individu se trouve donc aggravée – à des degrés d’intensité variable selon les pays – par celle, plus diffuse, de la communauté dont la récurrence des signes du dérèglement climatique lui signifie qu’elle est en danger de mort.

Telle est à mon sens la cause essentielle du succès électoral de l’idéologie d’extrême-droite qui fait miroiter le leurre d’un immuable identitaire – une composante de la nostalgie – perdu à cause du « système politique » mais qu’il est possible de retrouver en évacuant les coupables : ceux qui ne sont pas de souche et les politiciens qui leur ont permis d’entrer « chez nous ».

Ce que l’élection du 9 juin apporte de nouveau, c’est l’élargissement de ce désarroi – plus exactement de la panique qu’il peut engendrer – à l’ensemble des catégories sociales, quel que soit le territoire, à l’exception des grandes villes –   la masse, dans son sens le plus large, en tant qu’élément rassurant de solidité ?

Pour le diagnostic, de deux choses, l’une :

– ou bien le vote de désarroi a été, pour une part significative des électeurs, libéré des interdits par l’enjeu de l’élection qui n’avait pas d’incidence directe sur la politique nationale mais qui rejoignait la thématique identitaire d’extrême-droite par la mise en cause des institutions européennes et par l’immigration ;

– ou bien il est, majoritairement, l’expression du franchissement convaincu et assumé de ces interdits.

Ces interdits sont ceux que fixent, plus ou moins consciemment, la pensée, la raison, relativement au simplisme de l’identité française et du patriotisme et à la nostalgie

Dans le premier cas, une partie de ceux qui se sont « laissés aller » reviendront à leurs votes antérieurs pour les législatives.

Dans le second, sera confirmée la gravité de la pathologie – un cancer social –dont nul ne sait aujourd’hui quand et comment sera atteint le seuil critique.

Restent deux inconnues, l’une et l’autre complexes  :

A droite, le parti LR (7,5% des voix, le 9 juin) est confronté au problème plus aigu d’une alliance avec le RN. Quelles que soient ses décisions, il est menacé de disparition – encore que le caractère individuel de ce type d’élection ait une incidence sur les choix des électeurs concernés.

La gauche élabore un programme commun et présentera un candidat unique, ce qui peut conduire à mobiliser une partie importante des abstentionnistes, mais cette unité est, de fait, d’abord une « réaction contre » et son programme ne peut que promettre des engagements de réformes ponctuelles.

L’efficacité électorale de cette union dépend du diagnostic.

Quel que soit le résultat, restera la problème désormais existentiel de la communauté.

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