Journal 37 – passeurs et trépassés – (11/04/23024)

Il y a des matins qui favorisent le jeu avec les mots – ce matin en est un – et quand je jette un œil sur les deux, là, juste au-dessus, dans l’intitulé, je me dis, juste après avoir effectué mes exercices d’assouplissement – je parle d’assouplissement du corps – que ce sont des jeux de mollets gonflés – et là, juste à côté, c’est un clin d’œil à Bobby Lapointe. Dans le jeu de mots, ce qui compte, c’est la finesse et la justesse, et c’est pourquoi j’ai finement répété juste. Juste pour aider. Ni lourdeur ni insistance, seulement finesse et justesse.

Les jeux de mots, c’est seulement pour essayer de se raccrocher au sourire qu’on peut.

Les passeurs, ceux qui embarquent les migrants – des révélateurs, entre autres, de l’inépuisable capacité humaine à exploiter le malheur – sont devenus une variable d’ajustement dans le discours des autres humanistes que sont les partisans d’un renforcement des contrôles aux frontières.

Juste avant ce matin, hier soir, je regardais le journal d’Arte dont le premier sujet concerna le vote au parlement européen par la majorité de droite (PPE) d’un durcissement de ces contrôles. Un de ses porte-parole déclara sur le ton de la conviction forte que l’Europe (politique) n’avait pas à se soumettre à la loi des passeurs.

Je n’ai pas eu besoin de l’escalier (voir le journal 36) et j’ai pas non plus jeté une chaussure contre l’écran, parce que je sais depuis déjà quelque temps que le monsieur que je vois n’est pas dans le poste mais loin. Entre parenthèses professorales, c’est pourquoi on dit télévision, du grec têlé (= loin) et du latin videre ( =voir) – on devrait apprendre le grec et le latin. (cf. aussi le journal 36)

Ce qu’en filigrane disait sans le dire ce monsieur qui s’identifiait si bien à sa fonction de protestation outrée de morale humaniste, c’est que le gens d’Afrique vivent chez eux, tout tranquillement, heureux et tout et tout, et que ce sont les méchants passeurs qui viennent pour les persuader d’embarquer pour une croisière en méditerranée.  Ils s’approchent des cases où les femmes en boubou pilent le manioc en chantant de douces mélopées à leurs enfants, des arbres de palabre où les hommes conversent, et choisissent qui aura le droit de monter dans le bateau.

Salauds de passeurs-causals !

 Les trépassés, c’est un autre sujet dont le jeu de mot ne permet pas l’identification juste et fine mais bon, on ne peut pas toujours être au top !  (Vous avez remarqué comment je me planque dans le « on » ? Ah, ben oui, la maîtrise du langage, c’est ça).

Il s’agit encore et toujours des contorsions gouvernementales à propos de l’aide à mourir, comme ils disent. J’ai lu attentivement la proposition de loi. Il faut vraiment être au bout du bout de toute souffrance imaginable pour obtenir officiellement et administrativement le droit de décider de ne plus souffrir.

A quoi certains contributeurs du Monde répondent qu’on peut toujours se suicider sans rien demander à personne.

J’ai donc envoyé cette contribution en cinq points( et mille signes pile-poil) – suivie de deux commentaires :

1 – la mort fait partie du vivant de l’individu, quelle que soit l’espèce.

2 – l’être humain se singularise par le genre de connaissance qu’il a de sa mort : le discours biologique (propre au vivant), et celui de sa conscience depuis l’âge de 3 ou 4 ans.

3 – l’angoisse le conduit à des stratégies de contournement et de déni par :

– le langage : « j’ai un corps » « j’ai un esprit/âme » (deux absurdités).

– la croyance en l’immortalité de l’âme et à la résurrection du corps

– le transfert du fantasme d’immortalité dans l’objet (accumulation, collection…) par l’équation capitaliste : être = avoir + (= plus j’ai moins je meurs).

4 – ces stratégies révèlent aujourd’hui leur obsolescence : fin des deux paradis (au-delà et lendemains qui chantent).

 5 – proposition : enseigner la mort « telle qu’elle est » (le cadavre) à partir de l’école maternelle et le principe : tout être dispose librement de sa vie, donc de sa mort, et de l’aide appropriée pour naître et mourir.

1er commentaire :

« Entièrement d’accord avec vous, les contributions de médecins sur ce site sont la parfaite illustration de vos propos : on ne leur enseigne pas que la mort fait partie de la vie et on les formate pour l’acharnement thérapeutique. D’où cette idée que les palliatifs – souvent utiles voire suffisants je ne le conteste pas – seraient la « solution » dans tous les cas (il suffit d’avoir un proche dont le départ a été douloureux malgré ces soins ou parfois à cause de leurs conséquences indirectes pour le comprendre). La clause de conscience est indispensable mais c’est au niveau de la formation des médecins qu’il faudra progressivement changer les choses. »

Second :

« Bien vu et intéressant, mais pour cette prise de conscience et ces démarches, y compris didactiques, il faut une société qui présente beaucoup de maturité, d’honnêteté, de capacité d’écoute et de recul. »

J’ajoute au journal un peu de couleurs.

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