Oui, c’est un rapprochement qui peut paraître surprenant. Un pays, un homme… C’est quoi le point commun ?
C’est moi. Non pas moi, là, moi qui tape sur les touches, non le « moi » d’affirmation d’existence qui prend des allures inquiétantes quand il devient l’expression de la démesure, autrement dit l’hubris des Grecs anciens pour lesquels elle constituait la faute rédhibitoire en ce sens qu’elle signifiait une prétention à se hisser au niveau des dieux qui, comme on sait, ne supportent pas la concurrence des humains. Celui qui faisait preuve d’hubris encourait un châtiment exemplaire. Prométhée, par exemple, qui avait eu le tort de duper Zeus en lui faisant croire que les os du bœuf malicieusement dissimulés sous graisse brillante étaient la meilleure part. Zeus avait donc laissé la viande, d’aspect terne, aux hommes. Une bévue qu’il avait fait payer en confisquant le feu que Prométhée avait rendu aux hommes en payant le prix fort d’un enchaînement sur le Caucase et d’une dévoration du foie par un vautour.
L’hubris, donc.
D’abord, la moins agressive, celle du premier ministre G. Attal qui a décidé qu’il serait désormais le seul à répondre aux Questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale. Jusqu’ici, les ministres répondaient aux députés qui les interpellaient . Une décision méritant le sourire qui répond à un ego très infantile, s’il ne se manifestait par d’autres décisions, graves, elles, et irresponsables, comme celle de créer, sans la moindre concertation, des groupes de niveaux dans les deux premières classes du collège.
Fais-je preuve d’hubris si je considère cette décision somme toute minuscule, comme une expression en l’occurrence caricaturale du « Moi d’abord » que fait émerger un peu partout et à des degrés divers, l’abandon de la préoccupation du « commun » ?
Une des plus agressives dans le contexte des grandes violences internationales, est cette attaque par l’armée israélienne d’un convoi d’une ONG américaine (World Central Kitchen) transportant de la nourriture pour les Gazaouis. « Une grave erreur » dit le gouvernement israélien.
Voici ma contribution envoyée au Monde.
« Le gouvernement israélien, colonise où et quand il veut, « tape » où il veut, quand il veut, qui il veut (Gaza, Liban, Syrie) sans se préoccuper des réactions/injonctions internationales : attitude de celui qui se croit tout permis parce qu’il se croit le plus fort et intouchable – ce qu’il est pour le moment. Un comportement irresponsable qui aboutira au minimum à un nouveau 7 octobre, au pire à un élargissement du conflit. Nul ne connaît le seuil à partir duquel les petites machines mises en route par le désarroi général et l’à vau l’eau corrélatif (dont l’agression russe, le développement planétaire de l’idéologie identitaire d’extrême-droite – = moi d’abord –… entre autres) se contacteront en une machinerie générale qui deviendra hors-contrôle. Notre responsabilité est engagée dans le vote européen de juin. »