Journal – 24 – RN – IVG (05/03/2024)

Il y a des jours où il n’est pas bon de se lever tôt, voire de se lever tout court.

Hier par exemple. Lundi. Le jour de la lune qui n’a pas une bonne connotation (le jour, pas la lune) sans doute parce qu’il vient juste après le dimanche, un jour de repos que certains vivent mal parce que les magasins sont fermés et que, juste après, il y a le lundi, le jour de la reprise du travail, sauf pour les coiffeurs et les retraités qui ont pu garder quand même quelques séquelles psychologiques de cette difficulté humaine à vivre hic et nunc – ici et maintenant. Il n’est pas donné à tout le monde de mettre le temps entre parenthèses.  Et puis, comme le chante le poète « Le lundi au soleil, c’est une chose que l’on n’aura jamais ». J’aime citer cette belle pensée dont je ne me lasse pas, malgré son côté un peu réducteur (cf. les coiffeurs et les retraités, surtout les coiffeurs retraités) et l’assimilation discutable de lundi au soleil à une chose.  Ça reste quand même beau.

Hier matin, donc, j’appuie sur le bouton du poste de radio et j’apprends que cinq mille personnes se sont déplacées à Marseille pour assister au lancement de la campagne du RN pour les élections européennes. Jusque-là, elle était bien rangée dans son étui de campagne et là, ce dimanche, à Marseille, devant cinq mille personnes, le chef l’a donc sortie de son étui pour la lancer. Ce qu’il vise est à la fois très simple et très beau : « Une Europe espace de civilisation (…) fidèle à ses racines chrétiennes et son héritage humaniste, une Europe de l’amour courtois et de l’égalité hommes-femmes. »

Comme la phrase du poète citée plus haut, c’est encore très beau. Plus que ça. L’image de la poésie d’Aliénor d’Aquitaine et des récits de Chrétien de Troyes sur la table de chevet du chef lanceur de campagne est si émouvante qu’elle donne envie de dire, comme pour les instants de grand bonheur « Waouh, c’est trop ! ». Bon. L’égalité hommes-femmes n’est pas vraiment ce qui constitue l’essentiel de l’amour courtois, mais la référence est pavée de bonnes intentions. Certains disent que l’enfer aussi. Des moroses, des pisse-froid.

J’ai quand même envoyé cette contribution au Monde tout en me reprochant amèrement mon mauvais esprit, insensible au lyrisme d’une invite à partager cet idéal, pur, de « vrai François », dépourvue de toute arrière-pensée, sinon de pensée tout court.

« Cette civilisation européenne, occidentale, chrétienne, donc de l’amour courtois, est aussi celle des croisades, des guerres de religion, de l’esclavage, de l’Inquisition, de la colonisation, d’épopées continuelles de guerres, du nazisme auquel a collaboré une France très préoccupée d’identité et de préférence (cf. les lois anti-juives et la rafle du Vel d’Hiv)… entre autres marques d’un amour dont la courtoisie n’a pas toujours été bien comprise de ceux qu’il étreignait. »

Quand même, cinq mille personnes… Et est-ce qu’elles ont écouté « l’amour courtois » sans l’envie de rire ?  

Le RN, c’était le matin. Le soir, l’IVG, à Versailles. 

Là, je redeviens sérieux par-devant. Jusque-là je ne l’étais que par-derrière.

J’ai déjà expliqué mon point de vue sur cette question.

Je le rappelle dans cette contribution envoyée au même journal :

« Nous sommes passés à côté de l’essentiel. Une IVG (hors thérapie et viol) est le résultat d’un échec de contraception (quelle femme choisirait plutôt l’IVG qu’un outil contraceptif ?) et inscrire dans la Constitution (ce qui détermine les fondements de l’existence de l’individu dans le cadre de la collectivité)  l’échec, en tant que principe, n’est pas adéquat. L’essentiel – je laisse le choix de la formulation aux spécialistes : tout être humain dispose du droit de disposer de son corps et d’obtenir l’aide médicale adaptée (contraception, naissance, IVG, maladie, euthanasie…) ».

Là, il est 11 h 00, le ciel est bleu par-dessus le vasistas.

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