Ce matin, je réalise brusquement que, depuis quelques publications déjà, j’omets de préciser l’heure à laquelle je me lève de bonne heure pour éviter le temps perdu… et en écrivant j’omets, je remarque que je pense à l’apothicaire Homais de Madame Bovary. Un odieux s’il en est. Et certains disent que la vie est simple ! C’est pas pour dire mais quand même.
J’ai deux complications toutes personnelles et de nature différente.
D’abord celle des Jeux Olympiques – pour les esprits distraits ou peu préoccupés par l’essentiel, ils se dérouleront cet été à Paris. Il en est donc de plus en plus souvent question à la radio.
Ma complication vient du fait que ce qui en est dit ne concerne jamais les sports, non, je vous assure, mais toujours les problèmes de sécurité, de policiers, de gendarmes, de militaires et aussi de drones capables de détecter tout mouvement suspect dans la foule.
Est-ce qu’on peut jouer par tous les temps ? Je pense à 1936… La pandémie actuelle de l’idéologie d’extrême-droite… La guerre en Ukraine, les massacres à Gaza… Est-ce que « ne pas jouer » les jeux ne pourrait pas aider à ouvrir les yeux ? Oui. Mais la machine est lancée et ne pas jouer suppose un discours que personne ou presque n’a envie de prononcer.
Bon, d’accord, je me complique. D’autant qu’il y a quand même une bonne nouvelle : les bouquinistes des quais de Seine pourront laisser leurs casiers à livres.
Ma seconde complication vient de l’interview d’E. Macron au journal L’Humanité dans laquelle « il veut convaincre qu’il ne mène pas une politique d’extrême-droite », titre Le Monde qui n’est donc pas un journal jaloux.
J’ai lu des extraits. Il fait entrer Michel et Mélinée Manouchian au Panthéon et une plaque portant les noms des membres du groupe de FTP-MOI fusillés au Mont Valérien par les nazis y sera scellée. Tous, sauf Olga Bancic. Elle, a été torturée à coups de nerfs de bœuf puis emmenée à Stuttgart pour y être guillotinée le 10 mai 1944… Le comportement nazi plonge dans un effarement sans fond.
Difficile de continuer après ça. Et puis, l’émission, hier soir, à la télévision, sur la Rafle du Vel d’Hiv, et celle, moins connue de 1941, que raconte Anne Sinclair dont le grand-père fut arrêté, chez lui, un matin, à l’aube parce qu’il était juif… Tous ces Français, politiques, hauts fonctionnaires, policiers, tous bien de souche, qui organisent méthodiquement les arrestations d’hommes, de femmes et d’enfants pour qu’ils soient assassinés par les nazis… L’une des survivantes raconte que son père lui disait « En France, le pays des droits de l’homme, de Voltaire, de Rousseau, de Diderot, nous ne risquons rien… »
Je fais une pause avec Bach.
(…)
Dur, même avec Bach.
Voici ma contribution envoyée au Monde. Elle ne surprendra pas ceux qui lisent le blog.
« S’il ne se réclame pas de l’idéologie de l’extrême-droite, le discours politique d’E. Macron – immigration (droit du sol, discriminations), laïcité (école privée, messe à Marseille, Hanoukka à l’Elysée), questions sociales (retraites, chômage) – conduit à élargir son audience en ce sens qu’il est celui du capitalisme (réussite « start up », traverser la route, ruissellement) et qu’il ignore la problématique du « commun ». Le développement du FN/RN commence à la fin des années 80 quand, avec l’implosion soviétique (le fiasco est le signe d’une définition inadéquate de ce « commun »), disparaît l’hypothèse d’une alternative au capitalisme (le système apparaît « nu ») ce qui génère un désarroi planétaire corrélé du fantasme du salut par le repli identitaire et l’immigré bouc-émissaire. Le seul discours de gauche possible, absent pour le moment, est celui d’une redéfinition du « commun objectif » de l’humanité à partir de la critique de l’équation capitaliste « être = avoir + ».
Il y a quelques années, E. Macron avait donné une interview au magazine d’extrême-droite Valeurs actuelles. Je ne me souviens pas si son intention était de convaincre qu’il ne menait pas une politique d’extrême-gauche.