Denis Peschanski – historien, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale – était invité des Matins de France Culture (07/02/2024) dans le cadre de la cérémonie commémorative (ce même jour) des quarante-deux victimes françaises de l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas et de l’entrée au Panthéon (21/02/2024) de Missak Manouchian le chef du groupe de résistance FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans – Main-d’œuvre-Immigrée dont les noms sont désormais gravés sur une plaque) et de son épouse Mélinée.
Je commence par la seconde partie de l’émission, consacrée à Missak Manouchian dont l’historien – membre du comité constitué pour son entrée au Panthéon – a écrit une biographie.
Quand il souligne son statut d’immigré dans la Résistance, il décrit un fait.
Quand il évoque l’amour de la France du groupe FTP-MOI luttant contre le nazisme, il précise qu’il s’agit de la France des Lumières, des droits de l’homme – ce dont témoignent les poèmes de Manouchian – qu’il nomme alors des valeurs.
Valeurs qui ressortit à la morale, à l’idéologie (on pourra toujours trouver des valeurs opposées)n’est pas un terme adéquat dans la bouche d’un historien censé nommer le réel tel qu’il peut être identifié.
Relativement aux droits de l’homme, au triptyque républicain « Liberté, égalité, fraternité », le terme adéquat est principes qui nomme un réel objectif : il n’y a rien qui puisse s’opposer à ces trois termes que des valeurs subjectives, une idéologie raciste ou un déni.
Un historien reprenant à son compte un terme inadéquat signifie ainsi une carence.
La première partie de l’émission la précise.
Outre le fait qu’il utilise « terrorisme » sans questionner le mot – il n’est pas le seul – il dit, à propos du conflit : « Il y a une guerre qui est menée depuis le 7 octobre. »
Cette assertion est tout sauf la description du réel en ce sens qu’elle implique qu’avant cette date, il n’y avait pas de guerre entre Israël et les Palestiniens, représentés ou non par le Hamas.
Autrement dit, le système d’exclusion, de discrimination, d’humiliation, de colonisation violente (destructions, agressions, assassinats) mis en place par le gouvernement israélien, est un système de paix.
Ce propos, dans la bouche d’un historien, est inacceptable, en ce sens qu’elle dénote, outre un parti pris, un laisser-aller et un déni.
Et il ajoute, pour réfuter l’argument Hamas = résistance, que le groupe Manouchian n’a pas massacré des civils ni violé.
Ce qu’induit la confusion entre le territoire occupé et le territoire de l’ennemi a quelque chose d’obscène.
Un dernier mot, à propos du billet politique de Jean Leymarie, diffusé dans le cours de l’émission, à propos de « l’arc républicain » dont il précise qu’il a été invoqué par E. Borne et le très ancien premier ministre J-P Raffarin contre La France Insoumise et la Nupes : « Le premier ministre refuse d’invoquer la défense de la République, il refuse d’utiliser cet argument, et c’est tant mieux. Nous ne sommes plus à la fin du 19ème siècle, le régime est bien en place. »
Si ce point de vue à courte vue qui confond politique et tactique politicienne, qui aboutit à faire du RN un « parti politique » et de son idéologie une « valeur » républicaine, n’est pas celui d’un historien, il dénote le même laisser-aller et le même déni du réel.