Journal – 12 (28/01/2024)

Ce matin, vers 10 h 16 environ, je descends au parking où est garée notre voiture puisque nous avons décidé de voyager et que nous utilisons notre voiture pour voyager… Je relis… C’est bien ça.

J’appuie donc sur le bouton de démarrage et qu’est-ce que j’entends ?

La messe.

Il me faut quelques secondes pour réaliser que nous sommes dimanche matin, que, le dimanche matin, France Culture diffuse des émissions religieuses, dont la messe catholique – la messe doit donc être une affaire de culture –  et que j’ai sélectionné cette chaine de radio puisque, comme je l’ai déjà dit, j’aime me cultiver,  même en voiture.

J’entends alors une voix de soprano dotée d’un vibrato mystique (non, nettement moins que celui de la fin des Tontons flingueurs) qui chante en français ;  « Entrez inclinez-vous prosternez-vous, adorons le Seigneur qui nous a faits, oui, il est notre Dieu, nous sommes le peuple qu’il conduit, le troupeau guidé par sa main ».

Tout en me posant la question de l’identité entre « peuple » et « troupeau », je mets le sélecteur sur R (marche arrière) pour m’éloigner de la voiture garée devant, stoppe, déplace le sélecteur sur D (marche avant) pour me dégager, à nouveau sur R puis sur D pour sortir du parking. La prochaine fois, je penserai à faire un plan.

Pendant ces manœuvres qui demandent de l’attention et du temps, la même voix de soprano mystique chante, puis le prêtre prononce une homélie (rien à voir avec le home de home sweet home, mais avec le grec omilia : réunion, entretien) : « Frères et sœurs, dans notre monde il y en a beaucoup qui, sous l’influence du Malin, ont peur d’être menacés par le Christ, de ce qu’ils croient savoir de lui (…) Aujourd’hui des hommes et des femmes choisissent de répondre l’appel du célibat consacré, non pas par discipline mais par amour pour le Christ, mais là encore, il faut toute une vie pour le vivre pleinement. Le seigneur n’est pas venu pour nous perdre, nous le savons bien, mais pour nous sauver aujourd’hui et dans l’éternité ».

Les femmes dont il parle sont forcément des religieuses puisqu’il n’y a que les hommes qui peuvent être suffisamment proches du Christ puisqu’il n’était pas marié.

En attendant l’arrivée de mon épouse, je pense à cet article du Monde (28/01/2024) qui relate la découverte, sur l’emplacement d’un foyer religieux de la ville de Tuam, en Irlande (à l’est de Galway), d’une fosse septique où ont été enterrés sans cérémonie ni indication de patronyme quelques centaines d’enfants. Ce foyer, qui s’appelait Mother and Baby Home ( mère (maison de la mère – célibataire – et de l’enfant) maintenant détruit, avait été dirigé par des religieuses entre 1925 et 1961.

« Je veux que l’Etat irlandais, l’Eglise et les sœurs du Bon Secours [qui travaillaient pour le compte du comté de Galway] reconnaissent ce qu’ils ont fait à ces enfants, considérés comme inutiles à cause des préjugés de l’époque. Quand le home a été fermé [en 1961, pour vétusté], les sœurs n’ont même pas signalé où ils avaient été enterrés, elles voulaient qu’ils soient oubliés. Il n’y aura pas de paix ici tant que ces enfants n’auront pas été inhumés dignement, dans un cimetière, près de leurs mères, parce que c’est ce qu’elles auraient voulu, la plupart étaient très croyantes. » déclare Catherine Corless qui est à l’origine des recherches.

Si j’en crois l’homélie, ces religieuses catholiques de l’ordre du Bon Secours ont choisi le célibat par amour du Christ – donc elles n’ont pas écouté le Malin, c’est bien –  et c’est de cet amour qu’elles ont témoigné aux mères et à leurs enfants : « Les bébés nés dans les foyers mère-enfant étaient adoptés ou placés dans des familles d’accueil, quand ils ne mouraient pas d’épidémies (rougeole, coqueluche, gastro-entérite) ou tout simplement de négligences, accusent les proches et les survivants. Les taux de mortalité étaient effarants : la commission d’enquête a établi que neuf mille enfants nés dans ces institutions y sont morts, soit 15 % d’entre eux. » (article)

Elles étaient des sœurs du Bon Secours. Qu’auraient-elles fait si elles l’avaient été du Mauvais ?

Un peu avant l’homélie, quelqu’un avait lu une épitre de Paul aux Corinthiens, dont ceci : « La femme qui reste vierge a le souci des affaires du seigneur afin d’être sanctifiée dans son corps et dans son esprit. »  

Hé ben, voilà, dis-je en tournant le bouton.

Sur la route, un peu plus loin, des paysans ont retourné les panneaux qui indiquent les noms des villages.

Peut-être une manière de dire qu’on marche sur la tête.

Laisser un commentaire