Festival d’Avignon

« Nouveau triomphe à Avignon : (…) la metteuse en scène et performeuse Rébecca Chaillon (…) a mis toute la salle debout, jeudi 20 juillet au soir. Le public a semblé ne plus jamais vouloir s’arrêter d’applaudir, à l’issue de la première avignonnaise de Carte noire nommée désir. Cet accueil est venu saluer un spectacle impressionnant, et qui fera date, dans sa manière d’inscrire la pensée décoloniale dans une histoire du théâtre et de la performance, avec une intelligence magistrale, un humour dévastateur et un engagement du corps phénoménal. » (Le Monde du 22/07/2023)

Quelques contributions :

« Personnellement, j’ai assisté au spectacle et j’ai été assez choqué dès le début : une annonce propose à des femmes noires de s’asseoir sur des canapés de l’autre côté de la scène. Ces personnes ont ensuite le droit à une hôtesse qui passe leur servir des boissons pendant le spectacle. Alors qu’il fait une chaleur torride dans cette salle, je me suis demandé pourquoi cette différence de traitement. Est-ce seulement légal ?Je comprends le message général du spectacle, mais j’ai beaucoup plus de mal avec la culpabilisation des spectateurs (qui peuvent eux aussi d’ailleurs être issus d’autres minorités). »

« Le Monde dans sa splendeur actuelle, c’est-à-dire sa simpliste lecture du monde en dominants/dominés, inclus/exclus, bourreaux/victimes… C’est encore plus bête que le marxisme léninisme qui au moins avait une théorie explicative alors qu’aujourd’hui on a juste des dénonciations et la satisfaction grégaire de certains d’être du bon côté, celui des dénonciateurs. Le théâtre comme le cinéma saisis par le ressentiment, l’identitarisme et la victimisation ça donne une lecture stéréotypée du réel et un rabâchage à partir de ces stéréotypes. Quelle est la plus-value intellectuelle et esthétique ? »

« Pauvre Jean Vilar ! lui qui avait créé le festival d’Avignon pour donner le goût du théâtre aux classes populaires. Quand on voit ce qu’est devenu ce festival « in » : un « attrape bobos », je pense qu’il ne serait pas fier de ses successeurs. »

Ma contribution :

Ce qui est décrit de la réception du spectacle par le public ressemble fort à un exutoire et par certains contributeurs à un déni. On se soulage comme on peut.

et ma réponse à l’invocation de Jean Vilar :

Est-ce que la réception du message de J. Vilar par les classes populaires a correspondu à ce qu’il souhaitait ? Qui se rendait, et qui se rend au théâtre ? Molière, Racine, Shakespeare, même sous une toile (cf. Jean Dasté) ne sont pas d’un abord évident sans des références culturelles et une maitrise de la langue qui n’est pas spontanée. Son discours participait d’une utopie globale positive qui mobilisa beaucoup de monde et d’énergie. Le public d’alors – celui d’aujourd’hui vient des mêmes catégories sociales – avait le sentiment de participer aux prémices des lendemains qui chantent, utopie maintenant disparue. Les metteurs en scène contemporains à succès (théâtre, opéra) modifient les pièces et les livrets avec le concours des institutions (cf. Tartuffe, « revu », sinon trahi, par Ivo van Hove avec l’accord de la Comédie Française qui l’interprète). Le public traditionnel les applaudit en tant que signes désormais de désarroi.

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