Il semble maintenant établi que l’agresseur est Syrien, qu’il a quitté son pays au moment de la guerre civile, qu’il est arrivé en Suède via la Turquie où il s’est marié, que la citoyenneté suédoise lui a été refusée alors que son épouse – ils ont divorcé depuis – l’a obtenue, qu’il est chrétien, qu’il n’est pas membre d’une organisation dite terroriste, qu’il est inconnu des services de police, qu’il voyageait en France légalement et qu’il n’était sous l’emprise ni de l’alcool ni d’une drogue quelconque.
Il n’entre donc pas dans le cadre de l’immigré qui vient apporter chez nous la preuve criminelle manifeste que le grand remplacement est en cours de réalisation.
Quand même, on pourra toujours se dire que s’il était resté chez lui, ou s’il n’avait pas passé la frontière française, il n’aurait pas commis ces agressions qui dépassent l’entendement. On pourra se dire aussi que si tous ceux qui à des degrés divers ont causé des torts à leurs semblables n’étaient pas nés, ou avaient été étouffés dans leur berceau, le monde n’en irait que mieux. Ce type de discours invite à rappeler, même si c’est un rappel frappé au coin du non-sens, que Hitler n’était pas vraiment un immigré.
Ceux – un masculin grammatical incluant le féminin – qui se plaisent à alimenter les grandes peurs sans doute parce qu’ils les éprouvent eux-mêmes ou qu’ils sont prêts à tout pour obtenir le pouvoir – ce qui revient au même – ont commencé par lire avec des effets de manche l’acte d’accusation habituel de l’immigré-illégal-musulman-terroriste-grand-remplaçant-de-civilisation-occidentale-chrétienne.
L’identité de l’agresseur ne cochant que la case « immigré », il a bien fallu triturer l’acte d’accusation, jusqu’à l’affirmation qu’il était possible qu’il se proclame chrétien alors qu’il ne l’est pas – comprenez : il est musulman – comme d’autres immigrés se proclament homosexuels sans l’être – comprenez : ils sont mieux accueillis. (cf. Le Monde du 09.06.2023)
Que ce discours puisse être tenu implique qu’il peut être entendu, comme celui des manifestations dites « patriotiques » à Annecy et ailleurs avec chants de La Marseillaise contre l’immigration ainsi considérée comme la cause de l’agression, en tant que telle.
L’absurdité du lien de causalité entre immigration et déséquilibre psychique est désormais impuissante à empêcher ce discours, parce qu’il correspond à une attente de plus en plus répandue et prête à beaucoup, sinon à tout, pour être satisfaite.
Le « processus de décivilisation » du discours présidentiel en fait partie.