J’avance dans la lecture et relecture de sa correspondance. La découverte de l’homme dans ce qu’il a de plus intime et vrai (dans le sens où il n’écrit pas ses lettres pour qu’elles soient publiées) peut être une aide pour comprendre la spécificité de l’œuvre.
Flaubert n’est pas un auteur « populaire » dans le sens où Hugo, Zola et, dans une moindre mesure Stendhal et Balzac peuvent l’être.
Madame Bovary, quelquefois au programme du lycée, a été adapté au cinéma (Renoir en 1933, Lamprecht en 1937, Minelli en 1949, Chabrol en 1991, Bivel en 2021), L’Education sentimentale, étudié plutôt à l’université, l’a été par Alexandre Astruc en 1962, Salammbô, hors programmes scolaires, en 1925 par Marodon et 1960 par Grieco, Un cœur simple – un des Trois contes – en 1976 par Ferrara et en 2008 par Marion Laine, Bouvard et Pécuchet (roman inachevé) a fait l’objet d’un téléfilm de Jean-Daniel Veraheghe en deux parties (diffusé en 1990) avec Jean-Pierre Marielle et Jean Carmet ainsi que d’une adaptation radiophonique de Jacques Manoll avec Michel Galabru, Jacques Duby et Claude Piéplu, entre autres.
En comparaison, Les Misérables de Hugo a été adapté plus d’une trentaine de fois, sans parler des dessins animés et de la comédie musicale, et on ne compte plus les adaptations des romans de Zola et de Balzac.
La difficulté, pour Flaubert, tient au fait que le récit ne rend pas compte de l’essentiel, d’où dans l’adaptation de Chabrol, l’utilisation de la voix off qui dit le texte en sous-titre de l’image. Une manière de dire que transposer un roman de Flaubert au cinéma confine à l’impossible.
On pourrait être tenté d’expliquer la difficulté par le « style » (un mot que Flaubert utilise souvent dans sa correspondance pour tenter de définir ce qu’il veut faire), mais « style » n’est qu’un mot qui tend à désigner une forme dont on sait (et Flaubert dit à maintes reprises qu’une œuvre est un tout indissociable) qu’elle n’est séparable du « fond » que dans l’approche académique, scolaire, artificielle et stérile.
Cet extrait de l’article publié par le ministère de la culture à l’occasion du bicentenaire s’inscrit très bien dans le parler pour ne rien dire académique que détestait Flaubert :
« Cet auteur de génie qui a marqué des générations entières de lecteurs à travers le monde entier n’est plus à présenter. Son œuvre ne se limite d’ailleurs pas aux frontières françaises, elle en déborde et la rend universelle. De Salammbô à Bouvard et Pécuchet, il est l’un des plus grands écrivains français. Auteur précis, soucieux du détail, parlant de manière universelle, Flaubert demeure l’une des âmes les plus lues dans le monde. De longue date, le ministère de la Culture et la DRAC de Normandie ont pris la mesure de l’hommage qui est dû à Gustave Flaubert. » (Sur le site du ministère à la page du bicentenaire).
Je ne sais pas très bien ce que pourrait être la « manière universelle » de la parole et je ne suis pas certain que Flaubert aurait apprécié d’être considéré comme « une âme », même métaphorique, surtout une « âme lue », d’autant qu’a été souligné juste avant son souci de la précision.
S’il est reconnu comme un écrivain majeur, ce n’est pas pour son imagination, mais pour un autre chose dont les platitudes convenues du rédacteur ministériel indique qu’il ne faisait pas partie de ses préoccupations.
(à suivre)
Avec un Jean-Michel Blanquer comme ministre de la Culture il ne faut s’attendre qu’à d’affligeantes platitudes …
J’aimeJ’aime