« Le symbole est fort pour espérer tourner une page sombre de l’histoire. Après plusieurs années de tensions focalisées sur le passé esclavagiste des Etats-Unis, le plus important monument dénoncé comme un symbole raciste dans le pays a été déboulonné mercredi 8 septembre en Virginie : la gigantesque statue du général Lee, l’ancien commandant des sudistes. Ayant trôné plus de cent trente ans sur son piédestal haut de douze mètres, la statue équestre a été descendue en douceur par une grue à Richmond, l’ex-capitale des sécessionnistes pendant la guerre civile de 1861 à 1865. Des centaines de personnes s’étaient massées à distance pour assister à l’événement. Certaines ont brandi le poing, lâché des quolibets ou des vivats quand l’imposante pièce de bronze, œuvre de l’artiste français Antonin Mercié, a été arrachée à son socle. » (A la Une du Monde – 09.09.2021)
Ma contribution, suivie de deux réactions et de mes réponses :
Question : pourquoi cette statue n’a-t-elle posé aucun problème (en tout cas de manière audible) pendant aussi longtemps et pourquoi en pose-t-elle un aujourd’hui au point d’être descendue de son socle ? Autrement dit, qu’est-ce qui, conscient ou pas, a changé/est en train de changer dans le regard d’une partie importante (sinon ?) du pays, et, surtout, pourquoi ? Et encore : quelles modifications, ici et ailleurs, peut induire une telle opération ? Et encore : la rue est-elle semblable au musée ?
1er intervenant : « Renseignez-vous : cette statue a toujours fait débat, dès son projet. La souscription de financement lancée en 1885 par des associations porteuses de la Lost Cause (suprémacistes donc) fut houleuse, comme l’inauguration en 1890. Cette statue a toujours représenté l’oppression et la ségrégation pour les descendants d’esclaves, et la nostalgie d’un passé radieux pour les tenants de la Lost Cause. La statue est dès l’origine un geste politique marqué, et non une commémoration. Imaginez une association proposant en 1970 l’érection d’une statue au « vainqueur de Verdun » devant le casino de Vichy : cela n’aurait-il posé aucun problème ? »
Ma réponse : Que la statue ait suscité une opposition, oui, bien sûr, je ne l’ignore pas, mais elle a quand même pu être érigée et elle est restée en place. Je repose donc ma question que vous paraissez ne pas avoir bien lue : qu’est-ce qui, plus d’un siècle plus tard, conduit à la descendre ?
Sa réponse : « Un changement dans les rapports de pouvoirs autour d’une controverse durable. »
2ème intervenant : « Un siècle plus tard, si le débat continue, il est désormais en faveur des opposants à cette statue. Par l’éducation reçue jusqu’ici, nombre de citoyens américains et nous-mêmes inconsciemment, ont fait du racisme sans le savoir comme M Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Une meilleure connaissance historique et les faits divers navrants ont révélé les non-dits et tabous de la société américaine. Quand on sait ce que pensait et écrivait le général Lee à propos de l’esclavage, il n’est pas sûr qu’il aurait été ravi que le financement de ses statues fût assurée par des supremacistes et des associations de la Lost Cause dans un but politique précis. Rendre hommage à Pétain devant l’ossuaire de Douaumont n’aurait rien de commun avec l’érection d’une statue face à l’hôtel du Parc à Vichy. »
Ma réponse :
>> au 1er contributeur : Qu’est-ce qui peut expliquer le changement des « rapports de pouvoir » (s’il s’agit bien de cela) ?
>> au second : Qu’est-ce qui, depuis par exemple l’assassinat de M.L. King, il y a cinquante ans, pourrait induire une « meilleure connaissance historique » et en quoi les faits-divers sont-ils plus insupportables que ceux qui, naguère et jadis, étaient plus nombreux et cruels ? Ce qui m’intéresse c’est de comprendre ce que signifie cet événement qui, à mon sens, n’est qu’un des signes, parmi d’autres, d’un problème plus vaste qui n’est pas limité aux USA.
Essayez d’imaginer ce que les noirs qui passaient sous cette statue depuis 1890 pouvaient ressentir. Sans le mouvement Black Lives Matter (qui a donné une voix aux noirs) cette statue serait toujours à sa place. Et si c’est de la « cancel culture » so be it …
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Merci.
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Autres protestataires muets: les 83 noirs lynchés en Virginie entre 1882 et 1968. Ils savaient tous, sans exception, le lien droit entre ce suprémaciste et le sort mortel qu’ils subissaient.
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